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Musique et stratégie sur les médias sociaux

 

par E.M

 

 

 

 

Le 19 août dernier, le groupe de rock Radiohead faisait une nouvelle fois le buzz sur le web. Il postait sur Youtube l'intégralité du live de son album "King of limbs", un concert donné pour le show TV de leur producteur Neil Godrich. "For a limited time only"...

 
Si Thom Yorke et sa bande sont des orfèvres précurseurs en la matière, la plupart des artistes ont compris qu'investir le web et les réseaux sociaux était devenu une nécessité. Mieux, certains ont fait de ces nouveaux outils un véritable levier stratégique dans leur démarche de promotion.
 
 
 
Pourquoi ? Comment ? Petit détour par la contre-allée !
 
 
 
Un modèle économique en déclin
 
Au cours de ces dernières années, l'apparition d'internet et surtout l'émergence du web communautaire ont profondément bouleversé nos comportements. D'abord en facilitant l'accès à l'information, les moyens de communiquer, de se divertir...mais aussi de consommer. Ainsi l'internaute a d'abord téléchargé sa musique en Pear to Pear, et aujourd'hui écoute ses morceaux préférés en streaming, sur des plates-formes telle que Deezer. 
 
Dans ce contexte où l'idée de gratuité a émergé avec les réseaux sociaux, le CD semble condamné à une mort lente depuis une dizaine d'années. La dématérialisation prédomine et l'industrie musicale, qui n'a pas su s'adapter, connaît des crises successives sans trouver les bonnes solutions.
A dire vrai, il n'est pas tant que l'industrie musicale n'a pas su s'adapter, mais les gros ventres de la musique (Universal, Sony, EMI, Warner), qui tiennent à garder le marché sous leur emprise, s'entêtent avec le CD et des business model dépassés. Mais ça ne vaut que pour les artistes de notoriété. Et à quel prix ? Campagne de publicité, merchandising, et CD qui trouvent leur place dans les hypermarchés...
 
Cependant, cette stratégie imposée jusqu'ici ne constitue plus une réponse aux attentes des internautes. On note un changement de rapport de force : si avant on pouvait balancer sa musique sans se préoccuper du public, via la radio et le TV, dorénavant internet offre au public des milliards de contenus et une infinité d'artistes. Les internautes ne se laissent plus dicter leurs choix par un marketing "push".
 
Aussi, le monde de la musique a intégré qu'il était parfois inutile de dépenser pour fabriquer des CD physiques que les gens achètent de moins en moins, d'autant plus que la musique se retrouve gratuitement sur le web, en format numérique. Cela vaut en particulier pour les labels indépendants et les artistes émergents.
 
 
Dans ce contexte, comment diffuser sa musique et en vivre ?
 
Les artistes ne sont pas en reste et ont compris qu'il fallait être présent là où se trouve le public : sur internet. Ainsi à l'instar de marques, ils ont recourt aux médias sociaux pour expérimenter de nouveaux modèles de promotion et de vente. C'est d'autant plus naturel pour certains jeunes groupes ou chanteurs qui ont grandi avec le web 2.0.
 
La palette des outils à leur disposition est plutôt riche : Facebook bien entendu, mais aussi Twitter, Youtube...On n'oublie pas MySpace qui connaît des haut et des bas, mais qui a eu historiquement les faveurs des artistes et que rien ne n’a encore remplacé...Mais que faire de ces outils ?
 
Le Direct to fan - comme une stratégie de marque
 
Cette pratique consiste à créer un lien direct avec ses fans, rassembler une communauté autour de sa musique. L'artiste veille dans un premier temps à favoriser  l'échange, partager des informations, dans le but de rendre visible sa musique puis de la monétiser.
 
Le fan s'il aime la musique peut la partager, la faire écouter devenant ainsi un ambassadeur. Si le public suit, l'artiste peut alors commencer à penser monétiser sa musique en faisant preuve d'originalité...  
 
Cette relation avec les fans doit être entretenue sur la durée.  L'internaute est fuyant face aux nombreux contenus que proposent le Web. En outre, cette stratégie du Direct to Fan est aussi valable pour les artistes dont la renommée est déjà plus établie. Quelqu'un a des nouvelles de Renan Luce ?
 
L'exemple de la chanteuse Izia, en pleine préparation de son nouvel album, illustre parfaitement cette pratique. Sur sa page Facebook, elle alimente la relation avec ses 55000 fans (ou presque) en donnant des news régulières.
A l'approche de la sortie de l'album, un teasing en forme de commentaire mystérieux :
 
 
 
 
 
Et puis en guise de cadeau pour récompenser ses fans et pour annoncer l'album à paraître prochainement, un premier extrait à télécharger gratuitement, également visible sur Dailymotion.
 
 
 
 
Résultat : 1121 personnes aiment ça. 168 commentaires. A faire crever d'envie les community manager de certaines marques !
 
 
 
 
 
Le groupe "Florence and the Machine" publie sur le mur de sa page Facebook des billets invitant ses 1,7 milllions de fans à pré-commander l'album.
 
 
 
 
Le groupe a créé un pack contenant un poster à édition limitée, proposant une offre exclusive à ses fans.
 
Au moment de se lancer dans la fabrication d'un CD, les artistes émergents devront vendre malin, en optant pour le "Pay what you want" par exemple. Et peut-être même proposer à ses fans un album en téléchargement complètement gratuit, pour faire accroître la taille de sa communauté de manière spectaculaire...
Pour autant, peut-on parler véritablement de stratégie de marque ? L'artiste veut simplement faire ce qu'il aime : créer une oeuvre, la faire connaître, tourner et jouer en concerts live...et au final vivre de sa musique en palliant les carences d'une industrie musicale qui a négligé les musiciens.
 
Et puis toutes stratégies et business model ne sont rien, si à la base il n'y a pas un artiste qui a un univers, un message qu'il veut partager avec un public. Un artiste qui crée une oeuvre. Un artiste avec du talent...
En somme quelqu'un qui propose un contenu intéressant, ce qui devrait être l'exigence de toute marque avant de s'aventurer dans les médias sociaux...
 
 
 
Une situation difficile
 
 
En dépit de ce dynamisme, la situation reste difficile et inéquitable pour les indépendants, labels et musiciens. Ainsi, on a pu lire dans un article du journal Le Monde que "le label lyonnais Jarringeffects cumulait au second semestre 2010, plus de 800 000 écoutes sur Deezer et recevait en retour la royale somme de 2 300 euros (à partager entre le label, le producteur et les artistes)". 
Est-ce cela un modèle économique équilibré ?
 
L'actualité de ces derniers jours évoquait le procès à l'encontre de Deezer, perdu par Universal. Plutôt que de vouloir garder la main mise sur le pactole, il serait temps que l'ensemble des acteurs oeuvrent pour des modèles plus équitables, condition de survie du secteur. Pour une musique conciliant qualité et diversité.
 
Et nous demain, on remet de la poésie...
 
 

 
 


07/09/2011
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