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Récit d'une soirée littéraire

 

par E.M

 

 

 

 

"Un café littéraire est un lieu de réunion où l'on parle de littérature, échange des idées, écoute des extraits de livres lus par des comédiens, assiste à des spectacles érudits tout en dégustant un café, ou autre boisson. Le café Procope fut probablement le premier endroit de ce genre. Créé en 1686 par Francesco Procopio Dei Coltelli dit Procope, ce lieu, d'un genre nouveau, obtint ses lettres de noblesses de la fréquentation de Voltaire, Rousseau et Diderot, pour ne citer que ceux-là. Pour d'autres, le premier café littéraire serait le café de la Place du Palais-Royal, fondé en 1681, et qui deviendra en 1715 le café de la Régence.
Le rôle des cafés à cette époque était d’avoir une meilleure réputation, et c'est à cette fin que l'on invitait l’élite des philosophes, des écrivains, etc. Les personnes présentes peuvent alors s’instruire et donner leurs opinions politiques."

Un vendredi soir à l’embrasure d’une porte tout en haut des toits. Un appartement. Cécile, Françoise, Josette et les Autres tentent de donner meilleure réputation à ce café littéraire improvisé. Plus simplement, récit de ce qui fut une bonne soirée.

Cécile a ouvert la séance et nous a présenté "Quelque part dans les pas d'un ange" de David Mc Neil. Ce chanteur de jazz est le fils du peintre Marc Chagall. Il se remémore son enfance auprès de son artiste de père. Ce n'est pas forcément une très grande écriture mais on sourit en découvrant quelques anecdotes bien croustillantes. Par exemple que Chagall s'amusait à faire peindre les fonds de ses toiles par ses fils...Depuis, on a découvert qu'il a aussi écrit un livre qui serait culte "Tous les bars de Zanzibar", mais z'aussi les chansons "Melissa" pour Julien Clerc et "J'veux du cuir" pour Souchon. Et rien pour Johnny Halliday, c'est fou ça quand même !
      


Chagall Jean Ferrat par rozenfelds

 

                                                                                                                
Françoise a enchaîné avec "Les nouveaux cons", d'Etienne Liebig. Ce dernier dénonce les nouveaux snobismes. Il classe les cons par famille : les cons artistes, les cons planqués, les cons militants...
Et dans chaque famille il brosse le portrait de ces nouveaux cons. Ainsi dans les cons militants on retrouve "les nouveaux manifestants", "les cons comme un écolo", "la fille voilée"... Loin de nous avoir soupé, bien au contraire, Etienne Liebig se place en fin observateur pour un moment de bonne humeur. C'est drôle et bien plus même, et c'est déjà amusant sur la couverture lorsqu'on aperçoit ces quelques mots "Ne cherchez pas : vous y êtes".
L'auteur s'était déjà rendu coupable de "Comment draguer la catholique sur les chemins de St Jacques".
       

                  

 

          
Au tour de Josette avec un bouquin de Carlos Salem : "Aller simple". Bien plus qu'un bouquin il semblerait. Un voyage initiatique comme un conte philosophique. Un jeune homme prénommé Octavio renaît à la mort de son épouse, en même temps qu'il rencontre un escroc argentin. Ce baratineur l'embarque dans un road movie, une balade extraordinaire au cours de laquelle s'enchaînent des scènes et des rencontres incroyables, comme celle avec un prix Nobel de littérature qui n'a jamais écrit une ligne. Et même Charlie réincarnation de Carlos Gardel qui veut la peau de Julio Iglesias...Des personnages déjantés mais aussi beaucoup d'humanité. Un livre à lire pris de l'ivresse des mots, qui consisterait à danser le tango sans jamais avoir appris à le danser...Juste se laisser porter...
      

 

        
Tandis qu'un air de tango résonne encore, c'est Claire qui entre dans la danse...Sans Cécile qui nous a quitté. Pourtant on a tout le temps. Et même "La vie devant soi" d'Emile Ajar que nous raconte le chat. Emile Ajar était le pseudo qu'avait choisi Romain Gary pour la parution de ce livre qui obtint le prix Goncourt.
L'histoire est celle de deux personnages : Momo et Rosa.
Rosa est une vieille femme agée, juive, qui recueille des fils de putes. Momo est un de ceux-là. D'origine Arabe lui.
Tandis que Rosa s'approche de la mort, et que sa santé est vacillante, l'auteur décrit la relation très forte et particulière qui unit la femme et l'enfant.
Romain Gary bien que planqué livre une très belle écriture, dans un style particulier toutefois. Usant d'un langage enfantin, celui de Momo. Dès lors, il dit les choses telles qu'elles sont et porte un regard cruel mais juste sur les tréfonds de l'âme pour dénoncer le racisme, et le rejet de toutes formes de différence (sociale, religieuse...). Cela en fait un livre hyper violent d'un point de vue social.
  

                                                          

 

    
Elisa qualifie "La vie devant soi" de chef d'oeuvre de la littérature et enchaîne sur le "Mambo des deux ours". Un polar de Joe R Lansdale, auteur contemporain de l'East Texas. Tandis que d'autres polaristes sont très bons dans le scénario, mais moins dans l'écriture, on a ici affaire à un vrai écrivain doté d'une très belle plume.
L'histoire du "Mambo des deux ours" met en scène deux gars, détectives sans vraiment l'être. Hap et Leonard sont plutôt un genre de bras cassés qui jouent aux détectives. Des héros un peu gauche que Lansdale sait rendre attachants. L'un blanc et hétéro. L'autre black et gay. L'amitié est très présente et magnifiée par l'écriture. Et il en faut de l'amitié pour affronter les péripéties et les mauvais coups auxquels sont confrontés les deux héros, lorsqu'ils arrivent dans cette ville de l'East Texas. Là où il semblerait que la déclaration des droits de l'homme fut réexpédiée en poste restante et les droits civiques rédigés sur papier à entête KKK...
C'est dur, c'est violent. Mais c'est drôle. Et le langage très cru. Lansdale pointe du doigt le racisme ordinaire et l'homophobie à travers les aventures de ces deux héros.
    

                

 

  
Elisa voulait en fait nous présenter "Les marécages" du même auteur, mais un désherbage se serait produit dans sa bibliothèque...

Emmanuel n'a pas vraiment aimé "Novecento : pianiste", un roman d'Alessandro Baricco. Une fable philosophique dirait-on. L'histoire du pianiste Novecento qui naît, grandit et vit sur un Paquebot, et n'en descend jamais. Il compose et joue des musiques extraordinaires. Si bien qu'on le fait concourir avec d'autres pianistes, mais il gagne toujours.
Un sentiment de solitude finit par le gagner. "Tu m'étonnes !" Un ami propose à Novecento de descendre du bateau. Notre héro accepte l'idée et veut descendre à New-York. Pour voir la mer...Comme si sur terre le panoramique était différent.
Lorsqu'il met pied à terre, il ne veut pas partir. Et remonte. Il a peur de cette ville, de ces villes, de ces chemins qui se succèdent, de ce réseau interminable. Comme une phobie de l'infini qui contraste avec l'espace bien délimité de son paquebot.
Et puis ce sera la guerre et le Paquebot sera réquisitionné comme bateau hopital...A vous de découvrir la fin.
      

 

  

"Quel est Mon noM ?" de Melvil Poupaud est le livre que le tenancier a présenté. Pas vraiment un livre, ni une autobiographie. Melvil Poupaud évoque ses souvenirs à travers différentes périodes de sa vie. Son enfance entourée de sa mère Chantal et de son frère Yarol. L'adolescence. La vie d'adulte...A travers ses rencontres dans le cinéma (Raoul Ruiz, Eric Rohmer...) ou dans sa vie personnelle (Chiara Mastroiani, sa femme...), il use de ces miroirs pour comprendre qui il est, comment il s'est construit. Comme une quête de soi. Car finalement il est devenu plus facile de savoir jouer un autre dans son métier d'acteur.
Pour autant on ne peut pas réduire ce bouquin à une autobiographie. Tout au long du livre, il y a une nouvelle qui vient entrecouper ses souvenirs. Les entrecouper, ou peut-être à l'inverse apporter du lien entre eux ? Ensuite comme pour aider les souvenirs à refaire surface, l'auteur a incrusté des photos prises par lui-même ou des proches, des cartes postales, des lettres, un scénario, des bouts de chanson...comme s'il nous ouvrait sa boite à trésors. Du coup, on bute sur des éléments hétérogènes. Mais après tout la vie et la manière dont une personne se construit sont peut-être ainsi.
C'est une traversée de 30 ans de sa vie pour comprendre comment il s'est façonné. Si "La vie devant soi" est un chef d'oeuvre d'écriture, on ne peut pas dire cela de cette vie derrière soi... Parce qu'on n'a pas l'habitude de ces fragments ? Ce livre est autre chose. A lire comme une volonté funambule d'aller sans savoir.
 
                               
 
 
On a aussi évoqué "Barrage contre le Pacifique" de Marguerite Duras qui raconte l'histoire de sa mère, lorsqu'elle vivait en Indochine avec Marguerite Duras enfant et son frère. Et puis z'aussi "Le choix de Sophie" de William Styron, belle écriture, violence de l'histoire ou de l'Histoire. Posant tout un tas de questions sur la foi, la nature humaine...
 
Enfin on a discuté de tout de rien, parlé bio, architecture, musique...On a échangé des idées, des sourires, des opinions et des rires. Au dire des voisins, l'appartement n'a pas meilleure réputation.
 
 
 
 
 

 



03/10/2011
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